Carte de l'élection présidentielle de 2024
En Alaska, les chiffres sont redistribués par aire de recensement du Census bureau, à la place des résultats officiels donnés par circonscription électorale locale dont le découpage change en permanence.
En Virginie, pour des raisons de lisibilité et de cohérence d'ensemble, les independent cities sont fusionnées avec les comtés dont elles sont issues.

      Ni la sénilité du président en place, niée jusqu'à un débat télévisé calamiteux, ni ses outrances personnelles, ni les accusations d'avoir suscité l'invasion du Capitole au 6 janvier 2020, ni les procès sur accusation sexuelle se multipliant l'année où il se représentait, ni l'éreintement par l'écrasante majorité des médias américains et étrangers, ni deux attentats contre sa personne physique, suivis par un changement en catastrophe mais bénéfique de candidat côté démocrate, ni même l'accusation de fachisme lancée par le camp adverse quand l'avance de Kamala Harris se réduisit dans les sondages, n'aura eu raison de l'homme au poing levé, criant «Fight!» après avoir échappé par chance à la mort. L'histoire ne retiendra pas cette médiocre candidate, pourtant comblée par le show business, par la plus chère des campagnes électorales de tous les temps, par la bienveillance active de la majorité des médias, mais visiblement pas à la hauteur de la situation internationale dont le drame de Gaza lui aura nui bien davantage que servi, pour laquelle la question migratoire aura été un pensum, mais surtout dont l'inconsistance programmatique ne pesait pas grand chose face aux qualités de batailleur et plus encore de négociateur de Donald Trump.
      Les sondages annonçaient un scrutin serré. La situation s'est retournée: Trump gagne et les grands électeurs et, contrairement à 2016, le vote populaire. Mais le mouvement n'est pas uniforme. Car si dans la carte des simples pourcentages de vote populaire les villes paraissent avoir résisté à la vague, l'analyse des évolutions montre que plusieurs des plus grandes métropoles ont apporté un gros tribut à la victoire de Trump, à commencer par New York, ce dans toutes les parties de son agglomération (voir ci-dessous), ainsi que Los Angeles et Miami. Au contraire, Atlanta a résisté, cependant que Seattle et sa région ont fait mieux que résister, par opposition à une Californie se rattachant à un autre problème, qu'il faut bien évoquer maintenant.
      Les enquêtes d'opinion révèlent un reflux du vote démocrate chez les minorités. Il crève les yeux dans la carte des évolutions chez deux d'entre elles: les Amérindiens et les Hispaniques. Tous les comtés de l'Ouest à réserve indienne connaissent une baisse nettement supérieure à la moyenne de la baisse démocrate, des «Four corners» au Dakota et au Montana. Quant aux seconds, malgré le programme ouvertement anti-immigration du candidat républicain, ils disparaissent de la carte des bastions démocrates dans le Sud-Ouest, particulièrement au Texas. Ces immigrants installés parfois depuis plusieurs générations, peu aisés, ont été touchés de plein fouet par l'inflation récente, calmée in extremis. De plus, la gauche américaine a misé sur la protection des minorités, en oubliant que le communautarisme en vigueur permet de conserver sa culture importée à l'abri des modes. Or, cette minorité est à rebours du wokisme en vogue: conservatrice, pas contre la famille traditionnelle, catholique, pas hostile au monde du travail, d'autant moins hostile que beaucoup sont employeurs eux-mêmes, etc. Enfin, ceux d'entre eux, nombreux, qui ont un métier indépendant sont comme les optimistes du libéralisme économique, dont Trump fait partie: ils souhaitent moins de contraintes professionnelles.
      Une région illustre le phénomène, la Grande Vallée: l'agriculture et les services de proximité y emploient principalement des bras immigrés: elle a basculé dans le camp Trump au point que la côte californienne seule demeure démocrate. En quelque sorte, le monde du travail manuel, laborieux, a tourné le dos au monde de l'économie de pointe, largement financiarisée et promoteur des thèses les plus avant-gardistes.
      Bref, l'économie, dont l'immigration participe et constituait le cheval de bataille de D. Trump, a écrasé le programme réduit à la défense des droits des femmes de la candidate démocrate, dont son camp pensait que son statut de femme et de métisse suffiraient à l'affaire. Tandis que l'un s'adressait à tous les Américains victimes d'une flambée de l'inflation et agacés par un triplement de l'immigration illégale pendant la période Biden, l'autre ne s'adressait qu'aux minorités; le recours ultime à un Obama enjoignant au vote racial, alors que lui-même l'avait élégamment ignoré jusque-là, ne l'a finalement pas aidé, pas plus que de traiter les électeurs de D. Trump «d'ordures», dérapage qui renouvelait l'erreur d'Hillary Clinton en 2016 avec son qualificatif de «déplorables» adressé à la moitié des électeurs Trump. Quant au soutien à l'Ukraine, il lasse désormais la majorité des Américains mais n'a joué aucun rôle dans leur choix final selon les observateurs, alors qu'il s'agit pourtant de gros sous, question qui tient au cœur de l'homme d'affaires candidat.
      Il faut évoquer autre chose, dont n'ont pas parlé pour l'instant les médias. Les républicains regagnent certes la majorité au Sénat et la sauvent à la Chambre des représentants. Mais d'un cheveu, surtout à la seconde. Aux sénatoriales, tous les États en balance à la présidentielle et soumis à réélection (soit 5) ont été conservés par un démocrate, sauf la Pennsylvanie; toujours parmi ces 5 États, les démocrates conservent la majorité des sièges du Nevada à la Chambre des représentants — ce qui ne peut surprendre tant Las Vegas est devenu la cour de récréation des habitants de Los Angeles. D'autre part, certains parlent de tel ou tel candidat ayant endossé le style de Trump et ayant été sèchement battu. Ces difficultés républicaines dans la compétition parlementaire et ces échecs personnels, si ceux-ci sont avérés, montrent qu'il y a un phénomène mais pas d'effet Trump, et qu'il sera difficile de lui succéder. (Voir les cartes pour les sénatoriales et les législatives comparées au vote populaire pour Trump.)
      Donald Jay Trump (républicain) réélu président.
carte de l'evolution du pourcentage democrate entre 2020 et 2024