Pourquoi les démocrates peuvent plus difficilement emporter la majorité au Congrès que les républicains


      L'actuelle géographie électorale des États-Unis est récente.
      Car pendant très longtemps tout le Sud fut la chasse gardée des démocrates, le Nord-Est rural constituant la terre républicaine par excellence, et l'Ouest étant ouvert à toutes les contestations comme à toutes les majorités. Il s'agissait d'un temps où démocrate signifiait dans le Sud héritier des esclavagistes et d'une certaine idée des rapports sociaux, pendant qu'à Boston où ailleurs on prônait dans le même parti un progressisme à l'européenne. Dans les années soixante, le parti démocrate subit un schisme grave, le Sud traditionnel refusant la politique de gauche du parti. Le Sud vota républicain à l'élection présidentielle de 1964 seul, seul tandis que le reste du pays émettait un vote en faveur de la mémoire de J. F. Kennedy, au bénéfice de Lyndon B. Jonhson. Le Sud plébiscita Wallace en 1968, et se reporta massivement sur Nixon en 1972. Mais aux législatives, le Sud ultra-conservateur continua à envoyer ses représentants habituels, démocrates, lesquels appuyaient une politique ouvertement conservatrice pour ne pas dire réactionnaire.

exemple du decoupage en Caroline du Nord       En 1991, sur la base du recensement de 1990, on dessina partout des circonscriptions pour garantir aux minorités raciales une proportion de représentants égale à leur proportion dans la population.
      Ce découpage électoral d'un type nouveau détruisit d'un coup l'assise électorale traditionnelle du Deep South. Or, ce Sud profond avait assuré aux démocrates une majorité factice pendant les présidences républicaines (Eisenhower, Nixon, Reagan), même après le schisme de 1964. Là comme ailleurs, les minorités ethniques reçurent des circonscriptions sur mesures, au prorata de ce qu'elles représentaient dans chaque État. Ces minorités votent massivement démocrate, certes. Mais d'une part l'ampleur du chambardement déstabilisa les Southerners du parti. D'autre part, si les circonscriptions électorales calquées sur les zones à fortes minorités ethniques assuraient aux démocrates une poignée de circonscriptions où ceux-ci étaient très forts, on diluait tout le vote démocrate restant dans un environnement qui ne demandait qu'à basculer depuis 1964, beaucoup plus vaste lui, assurant donc aux républicains et à terme la majorité des sièges. C'est bien ce qui se passa, non immédiatement, en 1992, grâce à une belle majorité en suffrages populaires pour les démocrates, mais dès 1994, et plus encore en 1996, 1998 et 2000, malgré la réélection de Clinton en 1996, malgré une quasi égalité en voix aux législatives de novembre 2000. A cette date, la moyenne arithmétique des pourcentages obtenus par les élus à la Chambre des représentants était de 68,7 chez les démocrates, contre 65,9 aux républicains.

      En 2001, les chefs de parti des législatures d'États (ce sont elles qui les préparent) ont révisé les découpages - comme après chaque recensement - en étêtant les aberrations géographiques les plus contestées. La Cour suprême en effet recommanda de ne pas découper systématiquement et inutilement les comtés. Les minorités raciales sont moins caricaturalement avantagées; mais elles le sont toujours. Aux élections de 2002, la moyenne des pourcentages offerts aux élus démocrates fut de 68,1 contre 67,2 aux républicains. En novembre 2004, elle a été respectivement de 69,2 et de 67,4. L'écart a décru. Mais le handicap est toujours là: pour que les démocrates retrouvent une majorité à la Chambre basse, il leur faut au moins 0,9 % de voix de plus que les républicains, en tous cas jusqu'en 2011, date du prochain redistricting. Rappelons qu'en novembre 2000 la présidence a échappé aux démocrates malgré une avance de 0,5 % sur les républicains...
      Heureusement pour eux, la majorité en voix a été telle en 2006 qu'ils l'ont retrouvée.